
Une bande de copains qui faisaient un peu trop « bon ménage »
Ceci n’est plus un secret pour personne : Les petits mouchoirs, sorti en 2010 et signé Guillaume Canet, dépeint les vacances d’une bande d’amis incarnée par une bande d’amis. Toutes les relations se croisent dans ce casting. En couple avec Marion Cotillard (Marie), le cinéaste est également ami d’enfance avec Jean Dujardin (Ludo), connaît Gilles Lellouche (Éric) depuis quatorze ans et côtoie régulièrement Laurent Lafitte (Antoine), Benoît Magimel (Vincent) et ou encore Joël Dupuch (Jean-Louis). Valérie Bonneton et François Cluzet dans les rôles de Max et Véronique Cantara, étaient, quant à eux, en couple depuis treize ans au moment du tournage.
Mais justement, n’est-ce pas cela le plus dur pour un metteur en scène ? Avoir à gérer et commander ses proches ? Dans les colonnes du numéro d’avril 2019 de Première, le cinéaste de Ne le dis à personne confiait ainsi : « Mes comédiens étaient dans l’insouciance totale, en maillot de bain à fumer des pétards et boire des coups toute la journée. […] Ils n’étaient absolument pas dans la discipline indispensable à la fabrication d’un film. Les diriger fut ultra compliqué. »
Le film a failli ne jamais voir le jour
Ainsi, il y eut « des journées un petit peu tendues », a confié pour sa part Gilles Lellouche, dans une interview pour StudioCinéLive. Et d’ajouter : « Pour être honnête, parfois, tellement il était fou, j’avais envie de lui éclater la tête à coup de pavé. Mais à sa décharge, nous, on était huit, on parlait, on était entre nous; lui était seul derrière son combo, à nous donner des directions. Tout ça, c’était un bordel dans sa tête et un sentiment d’exclusion. » En effet, le tournage aurait été si laborieux que Les petits mouchoirs a presque failli ne jamais voir le jour, comme le confiait Guillaume Canet : « Je commençais à parler à l’un et l’autre lançait une vanne. Au bout d’un moment, je devenais exécrable. Un jour, j’ai pété un câble, j’ai dit : « Vous savez quoi ? Vous vous démerdez. Stop, on arrête tout. Les acteurs m’ont pris à part. On a eu une vraie discussion et chacun m’a dit ce qu’il pensait, j’ai beaucoup pleuré le soir-même et puis voilà. »

Qui dit trop de stress, dit paralysie faciale
Guillaume Canet a mis près de cinq mois à enfanter le scénario de ce long-métrage aux 5,4 millions d’entrées. Alors, peut-on lui en vouloir d’avoir été un poil « obsessionnel », mettant un point d’honneur à ce que ses acteurs « suivent à la virgule près, ce qu’il avait écrit, imaginé » ? Guillaume Canet l’a souvent répété : plus qu’un simple film, Les petits mouchoirs est une fiction biographique, essentiellement basée sur ses peines. Un film si personnel et passionnel, que cela lui aurait provoqué une paralysie faciale pendant un mois et demi, alors qu’il commençait à peine à poser ses mots sur le papier. L’écriture du scénario aura été une véritable thérapie pour le réalisateur, puisqu’à l’inverse, il fondra en larmes lors de la clôture du dernier chapitre.
Joël Dupuch, l’ostréiculteur endetté
Il est certainement la grande révélation des Petits Mouchoirs. Joël Dupuch, qui incarne à la perfection le personnage de Jean-Louis, producteur d’huîtres au Cap Ferret dont la sagesse contraste avec la mesquinerie de ses camarades, est réellement ostréiculteur de métier. À l’occasion de la sortie de Jappeloup en 2013, celui-ci était revenu sur le jour de son audition avec Guillaume Canet : « Au cours d’un dîner, mes copains Guillaume Canet et Gilles Lellouche m’avaient demandé de faire une blague à l’un de leurs amis. Quand j’ai raccroché, Guillaume m’a dit que je serai dans son prochain film. » Une occasion comme tombée du ciel puisque Joël Dupuch traversait une grosse crise financière à cette période. Sans les cachets du film, il aurait sans doute perdu son exploitation, située dans le bassin d’Arcachon.
Obsessionnel donc, jusqu’à la bande-son. Si l’on connaît sa passion pour la musique (et les chevaux), Guillaume Canet compose et écrit également. Il a, par exemple, réalisé lui-même l’un des clips de Yodelice, dont le leader Maxim Nucci incarne l’amant de Marion Cotillard dans Les petits mouchoirs. Mais le réalisateur compose aussi pour lui. Et pour ajouter une touche finale à son projet, ce dernier a donc décidé d’ajouter à la BO l’une de ses propres chansons, écrite et interprétée par lui-même : « To be true ».
Spirale infernale
La genèse des Petits mouchoirs a commencé, à l’instar du film, dans une salle d’hôpital. Guillaume Canet a expliqué avoir été hospitalisé en raison d’une infection, et l’idée du scénario lui serait venue en tête alors que toute sa bande d’amis était partie en vacances sans lui. Plus tard, l’un de ses amis a perdu la vie dans un accident de moto et ainsi est né le personnage de Ludo. À cette tragédie s’est ajouté un autre drame du même acabit : « Le film était inspiré de la perte d’un ami. Le jour de la sortie du film, j’ai une atroce nouvelle qui était la perte d’un autre ami de la même bande qui est mort en moto dans les mêmes conditions », avait confié Guillaume Canet à Sud-Ouest. Et d’ajouter : « J’étais en pleine promo quand mon ami est mort. Du coup, je n’ai pas tellement vécu le succès du film. J’avais l’impression d’un truc très putassier, j’ai même fait un rejet du film. »
Guillaume Canet aurait dû incarner le rôle de Jean-Louis
Antoine, magistralement incarné par Laurent Lafitte, représente l’amoureux transi et égocentrique qui enchaîne les maladresses. À l’origine, le cinéaste avait écrit ce rôle pour lui-même avant de voir sur scène l’un des spectacles du comédien de l’Académie française.
Un titre à la signification toute particulière
Les petits mouchoirs est avant tout une histoire de non-dits, qui provoquent souvent au sein d’un groupe des sentiments de rancœurs, d’abandon et de frustrations. Alors pourquoi ce titre ? Qu’est-ce donc que ces petits mouchoirs ? Pour le réalisateur, ils représentent « ces choses qu’on ne s’avoue pas à propos de soi ou de son entourage parce qu’elles nous embarrassent, mais qui finissent par nous pourrir la vie. » Une belle définition, même si in fine, le cinéaste semble plutôt optimiste. En effet, au-delà des déceptions, ce long-métrage est une ode à l’amitié. Qu’importe le nombre de mouchoirs accumulés, la bande à Canet a la peau dure et finira ensemble, comme la prouvé le deuxième volet, sorti en 2018.
Sources de l’article : Vanity fair https://www.vanityfair.fr/culture/ecrans/story/tout-ce-que-vous-ignorez-encore-sur-les-petits-mouchoirs/5587